LE ROUGE D'UN OEIL DE CONSCIENCE

LE ROUGE D’UN ŒIL DE CONSCIENCE :.

Cela fait un bon bout de temps que la Plateforme Contre la Corruption et le Chômage au Mali (P.C.C.), membre à part entière de la société civile,  a enfilé sa tenue de lutte contre la déprédation de l’économie malienne. Ainsi, elle a permis désormais d’élever la voix  dénonciatrice à l’égard d’une tête de serpent qui a répandu sa langue à tout ce qui pouvait donner vie à la vie : il faut nommer la corruption et le chômage.
Mais, cette lutte courageuse comporte de sérieuses difficultés, puisqu’elle implique plusieurs intérêts divergents, selon les positions dominantes de tout un chacun :
I-Difficultés liées à son fonctionnement :
De la date de sa création à ce jour, personne ne s’est posé la question quant à la subsistance de la Plateforme pour vivre. L’on n’a pas besoin de le dire, chaque corps vivant a besoin de nourriture, sinon, elle ne peut pas évoluer normalement dans le sens utile à la société.
Donc, il importe de savoir que la Plateforme ne détient aucun fond propre à part ce que génèrent les quelques cotisations de ses membres. Mêmes les jeunes qui assurent ses travaux à son siège ne sont pas rémunérés. Sous d’autres cieux, en raison de son apport à la construction positive du pays, des bonnes volontés se seraient manifestées, de façon désintéressée, pour booster et encourager ses actions salvatrices, salvatrices parce que grâce à elle bien de malversations ont été découvertes et mises au soleil, procurant du levain aux poursuites contre plusieurs délinquants à col blanc ou autres. Grâce à elle, en effet, le taux de ces délinquances a sensiblement chuté, mettant la peur au ventre de ceux qui en avaient la tentation.
Il va de soi que le souhait des délinquants, contre lesquels elle lutte, sans répit, qui lui souhaitent aujourd’hui le plus grand mal, qui lui nourrissent de la haine, est de la voir faillir de manière qu’elle ne soit plus à même de continuer à mettre des bâtons dans leurs roues. Ceux-ci, évidement, ne lui donneront jamais les moyens qui mettront des cordes à leur coup.
C’est en cela qu’il faut saluer le soutien inlassable du Président du Patronat malien, en la personne de Mamadou Sinsy Coulibaly, qui lui sert de couverture associative et de tremplin bénéfique, car celui-ci a mis à sa disposition la liste de tous les corrompus de la République, sur la base de laquelle elle travaille, en plus des dénonciations dont elle est destinatrice directement  de la part de Maliens victimes de faits de corruption. Pour celui qui est au fait de l’actualité malienne, ce dernier n’a manqué aucune occasion pour mettre au goût du jour son aversion contre des pratiques crapuleuses de certains agents de l’Etat. Il constitue, certes, un maillon fort à  la réalisation des idéaux de la Plateforme.
II-Difficultés liées à ses rapports avec le Président de la République et le Premier Ministre :
Sur le plan théorique, on ne dénote aucune part d’animosité entre le Président de la République, le Premier Ministre et elle, qu’elle dit aider à aller vers la bonne gouvernance du Pays. Mais, cependant, à chacune de ses sorties, elle a déploré la lassitude des deux quant à mettre en œuvre ses dénonciations et ses demandes :
A-     La lassitude du Président de la République dans la mise en œuvre des dénonciations et des demandes de la Plateforme :
Ici, le problème majeur qui surgit  se rattache aux domaines de compétence du Président de la République qui n’est pas soumis à un ordre administratif que celui de mener une politique satisfaisante pour l’ensemble des Maliens. Dans une République bien organisée, sans rappeler toutes les fonctions présidentielles, chaque institution, et à l’intérieur, chaque organe de l’Etat, assure ses attributions qui lui sont dévolues par la loi, indépendamment de la redevance constitutionnelle que leur impose la loi suprême vis-à-vis de lui. Si les institutions sont au mieux, la République ne se portera que mieux, car chacune s’acquittera correctement de son travail même, s’il faut, contre la volonté du Premier Responsable lorsqu’il tente de dévier la normale de la conduite des affaires publiques.
Donc, le Président de la République n’est pas la compétence indiquée pour recevoir les dénonciations des citoyens, sauf quand elles ne trouvent pas la suite nécessaire à leur poursuite.
Mais ce que la Plateforme comprend moins, c’est la réfutation du Président et de son épouse à parrainer une soirée dont le but était la collecte de fonds à l’intention de l’armée.
C’est alors que l’on en déduit que le courant passe, en pratique, difficilement, entre la Plateforme qu’incarne le Pr. Clément Dembélé et le Chef de l’Etat, qui, selon celui-là, se soucie peu, en fait, de mettre les forces de défense au niveau souhaité, ou n’accorde aucune importance à la lutte qu’elle mène pour le bonheur des Maliens. Ce n’est pas aisé de soutenir une telle assertion avant de requérir l’avis du principal intéressé, en l’occurrence le Président, qui seul peut expliquer le bien fondé de ce refus. Peut-être que le Président pense que d’autres niveaux de compétences sont plus appropriés pour apporter une réponse adéquate aux sollicitations de la Plateforme.
B- La lassitude du Premier Ministre à la mise en œuvre des dénonciations ou des demandes de la Plateforme :
A cet égard, la Plateforme ne fait pas cas du refus de parrainage du Premier Ministre, mais déplore avec regret le silence de ce dernier par rapport à sa demande d’autorisation d’audit de huit (8) structures étatiques les plus mal gérées, selon elles, alors que l’Etat n’en déboursera pas un sou ; que des partenaires crédibles, qui se chargeront du recrutement des experts en audits internationaux, ont déjà mobilisé quinze milliards (15.000.000.000) FCFA à cette fin.
Mais, sur ce point également, des interrogations se font jour. Est-ce que le choix d’experts de cette manière, ne portera pas un coup à l’autorité de l’Etat auquel il revient normalement l’initiative de toute action similaire ?
Peut-être que si l’Etat accepte de se soumettre à ce diktat, il pensera d’abord à reprendre le flambeau en s’impliquant davantage, d’une façon ou d’une autre, à l’organisation de ces expertises. Il est incommode pour l’Etat, une Puissance publique, d’admettre des audits qu’il n’a pas choisis, et qui seront menés par des gens dont il ignore la moralité et de ce qui sera leur finalité, en termes de crédibilité et d’usage. Le bon sens demande d’avoir le cœur net sur l’identité claire et le désintéressement des bailleurs pour une telle œuvre, qui aura l’avantage de mettre à nue tous les secteurs sensibles du Pays. L’Etat, en toute cause, cherchera à avoir une vision claire de la demande de la Plateforme avant d’accepter de s’engager, s’il consent à accepter, le cas échéant.
III-Difficultés liées à ses rapports avec le Procureur du Pôle Economique :
Suivant les dispositions du code de procédure pénale, en son article 50, les Officiers du Ministère Public du ressort d’une Cour d’Appel ne sont soumis qu’à l’autorité du Procureur Général près de ladite Cour, lequel est soumis à celle du Ministre de la Justice. Il faut comprendre par là que les rapports entre le Procureur du Pôle Economique et la Plateforme de lutte Contre la Corruption et le Chômage (P.C.C.) restent des rapports définis dans l’article 52 du Code précité, et ne sont pas ceux qui existent entre le Chef du Parquet d’Instance et les Officiers de Police Judiciaire, encore moins ceux existant entre celui-là et le Vérificateur Général. Il est de toute évidence que la Plateforme ne figure pas parmi les services de la Police judiciaire, pour détenir des pouvoirs d’investigations protégées par la loi. C’est donc par simple tolérance, pour mener à bien la lutte contre la corruption et la délinquance financière, que le Procureur ne la met pas à l’écart pour inciter les plaignants et les dénonciateurs à le saisir directement. Ce cas de figure n’est pas à exclure si une fausse note entre les deux se produisait. C’est dire que la plateforme n’a aucun moyen d’entreprendre des enquêtes dont la crédibilité exige la confrontation de preuves. Son pouvoir se limite dans l’acceptation du Procureur de mettre en marche sa machine répressive pour donner corps à ses plaintes et dénonciations, en tant que société civile défendant les intérêts de la société.
En l’état, l’Etat ne peut pas prendre le risque et rester conforme à la légalité de reconnaître à une société civile les pouvoirs donnés à une police judiciaire, quelle qu’en soit son utilité, encore qu’elle ne possède pas toutes les compétences techniques nécessaires à la tâche. D’où  la nécessité de lui assurer une formation appropriée afin de lui éviter la responsabilité à laquelle elle s’expose seule, serait-ce civile, en cas de préjudice à l’Etat et aux citoyens.
Néanmoins, l’Etat peut, à cause du rôle capital qu’elle joue dans la lutte contre la corruption et le chômage, lui garantir la protection en lui reconnaissant une cause d’utilité publique.
IV-Difficultés liées à ses rapports avec les Maliens :
Les pratiques coloniales qui se traduisaient aussi par des violences contre des Soudanais hostiles à un ordre nouveau mettant en cause leurs traditions ont fini par déterminer ceux-ci à se solidariser à l’effet d’empêcher toute dénonciation au colon. Ainsi, des gens se liguaient pour soustraire à la punition de l’Administration coloniale les membres de leurs sociétés. A bien des égards, jusqu’à ce jour,  ce regard d’hostilité existe contre toute autorité qui incarne ou qui est perçue comme une autorité coloniale.
C’est pourquoi, on est loin encore du citoyen modèle qui aide l’autorité à combattre l’impunité par la dénonciation. Dans certains milieux maliens, le fait de dénoncer est une lâcheté, car jadis chaque individu dans la société était investi du droit de punir le déshonneur, s’il peut, avant que le Chef traditionnel soit saisi. Evidemment, un tel pouvoir multiple n’est plus possible, en raison de l’évolution démographique, de l’évolution des modes de gouvernance imposés et des mentalités.
C’est dire que la Plateforme est mal comprise par des milieux fortement conservateurs. Ainsi, les interférences sociales ou religieuses dans l’administration correcte de la justice sont monnaie courante et ne sont pas prêtes de s’estomper, même si celles religieuses ne correspondent pas à leur fondement appliqué en Arabie Saoudite, qui constitue une référence islamique, où seule la victime peut accorder son pardon, en amont du Kadi.
Il arrive que ceux-là qu’elle dénonce soient mieux entendus qu’elle, le contraire à toute bonne marche d’une société.
V- Difficultés liées à ses rapports avec les Officiers de Police Judiciaire (OPJ) :
Il n’est pas du tout étonnant d’affirmer que les Officiers de Police Judiciaire ne lui reconnaissent aucune autorité, si bien qu’ils ne lui prêtent le moindre concours. Au contraire, certains  pensent que c’est une plaie dans leurs jambes, qui a la prétention de se substituer à eux, notamment si encore ses dénonciations les touchent, alors que leur collaboration est salutaire pour tous.
En toute connaissance de cause, le rouge qui l’assombrit doit être levé pour permettre à l’œil de la conscience de voir mieux. D’une utilité publique avérée, la Plateforme qui n’arrive pas encore à atteindre sa vitesse de croisière, mérite tout le soutien pour le réveil des consciences sans lesquelles les efforts d’une société s’égaillent dans le vent,

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