LE MEMORANDUM DU M5-RFP ET LA SORTIE DE CRISE

Personne au Mali d’aujourd’hui ne peut se voiler la face devant les difficultés, bien que l’expurgation de l’offre de dialogue du mouvement du M5-RFP de l’exigence de démission du Président de la République soulage plus d’un. Cette offre de dialogue consignée dans un mémorandum, se fait l’expression unilatérale de l’incompétence du Prince du jour à faire face aux défis auxquels est confronté le pays, sans tenir compte, et cela demeure un os, des impératifs constitutionnels qui doivent gouverner tout peuple dont le souhait principal tend vers la stabilité permanente. Est-ce à dire, en perspective, que tout mécontentement, même majoritaire, trouvera comme mode alternatif de règlement les soulèvements, au mépris des règles sur lesquelles la Nation est fondée ? J’en doute, d’autant que le constitutionnaliste malien a pensé déjà à l’éviter en limitant le nombre de mandats présidentiels à deux, permettant ainsi de venir à bout, le plus tôt, du mauvais dirigeant qui a l’ambition, malgré tout, de s’éterniser au pouvoir. La maturité des citoyens doit aider à la pérennisation de cet acquis constitutionnel, et mieux, priver de toute chance à un pouvoir frappé d’érotomanie, erratique, erroné et érodé d’obtenir même deux mandats. Il faut, notamment, cultiver la conscience collective de l’intérêt général par rapport à l’intérêt privé. La lutte sera plus supportable si elle cristallise cette mentalité, au lieu d’ouvrir la porte au futur incertain qui donnerait droit à acquérir le pouvoir par la force que par les urnes.  L’anti-constitutionnalisme  se limite à se construire sur l’inexistence de garantie pour tout pouvoir, qu’il soit juste ou non. La frustration de cette garantie conduit forcément à la déstabilisation institutionnelle perpétuelle, dont le corollaire pourra être l’anarchie.

Donc, pour ainsi dire, le mémorandum présenté à l’application, sinon, au Président  de la République pêche dans une telle République, en plusieurs de ses points :

Par rapport au Premier Ministre de pleins pouvoirs :

L’histoire malienne récente, au regret d’un coup d’Etat, a vécu cette expérience qui a tourné court d’un Premier Ministre de pleins pouvoirs, en la personne de Cheick Modibo Diarra, qui ne s’est jamais compris avec ses mandants, encore moins avec le président de la transition, en l’occurrence, Dionconda Traoré. Ce risque de crise institutionnelle n’est pas à écarter même maintenant en cas d’opposition dans les vues entre le Premier Ministre ainsi désigné et le Président, ou entre lui et ceux à l’œuvre de son choix, ou même entre lui et une autre partie importante du peuple, car le triomphe pur du droit et de la loi dans le contexte malien est jalonné d’embûches significatives. L’honnêteté dans l’application stricte de la loi est sortie très souvent écorchée, voire écornée. La bonne gouvernance chez bon nombre de gouvernés est synonyme de la discrimination négative de la distribution de la loi à leur égard. Cette mentalité, si elle ne change pas, transcende avec l’autorité d’un Premier Ministre de probité irréprochable qui appliquera la loi sans état d’âme, sans faveur aucune. Or c’est ce qui est recherché. Enfin, le retour d’un Premier Ministre de pleins pouvoirs renvoie, pour la compréhension de beaucoup de constitutionnalistes, à la volonté unique de délester le Président de la République de son pouvoir de contrôle de la politique que l’on mène en son nom, or c’est lui qui est élu pas ce Premier Ministre, avec la confirmation d’un arrêt de la Cour Constitutionnelle.

Par rapport à la Cour Constitutionnelle :

La Cour Constitutionnelle du Mali est une institution de la République voulue par le peuple malien, qui a souverainement déterminé sa composition, sa saisine et son fonctionnement, et les effets de ses décisions qui ne sont pas susceptibles de recours, même si celles-ci peuvent prêter à contestation. Sans penser à la refondation des textes qui peuvent être à la base des contestations à chaque élection, la demande se focalise sur la démission des membres de la Cour, or aucun texte ne prévoit la démission forcée de ceux-ci, qui ne se sont pas désignés eux-mêmes. C’est comme dire, au lieu de s’en prendre à la cause de sa chute, on s’en prend au lieu de celle-ci. Ainsi, on ne sera sorti de l’auberge que lorsque la désignation et la conscience des acteurs s’amélioreront.

Par rapport à l’Assemblée Nationale                                                                                                             C’est dire que l’arrêt de la Cour qui a déclaré élus les Députés actuels de l’Assemblée Nationale ne peut pas être anéanti , exceptée la voie de sa dissolution par le Président de la République, ce qui entraînerait des dommages collatéraux contre ceux-là qui ont été élus normalement, qui courent la possibilité de la démobilisation de leur électorat qui est parfois fluctuant. La moralisation des élections au Mali reste un objectif lointain tant que les citoyens ne se gênent pas de se faire acheter à chaque élection. Ce mal devenu profond doit être éradiqué pour penser réellement à des élections crédibles.

Par rapport à l’idée de transition :

La mémoire politique nous rappelle que toutes les transitions ont été instituées en faveur des coups de force, en dehors des Etats dits réellement démocratiques. Ainsi, l’on ne peut pas l’imaginer dans les démocraties qui nous inspirent. Veut-on par là ôter à l’autre partie du peuple, au sein duquel on rencontre de très valeureux cadres maliens, qui défend le pouvoir d’IBK qu’elle a élu , ce droit de penser qu’il a le devoir et l’obligation de terminer son mandat ?

D’où, à ce stade, la meilleure solution de sortie de crise, puisqu’en fait aucun aveuglement n’empêche de croire au bien-fondé des récriminations de la gouvernance du Président, même s’il n’est pas seul comptable, y compris certains membres du M5-RFP qui ont eu à cheminer avec lui, c’est le principe d’un gouvernement d’union dans lequel il est possible au président de la République, s’il y a République, de concéder les départements qui forment le lot des polémiques, comme la défense, les finances, la justice, la santé, l’éducation, à ceux-là qui seront désignés par le mouvement en opposition, s’ils remplissent les critères. Enfin, bien que l’actuel Premier Ministre ne se reproche rien en termes d’honnêteté, si c’est une condition sine-qua-non, un autre Premier Ministre consensuel peut être désigné par toutes les parties prenantes élargies à d’autres  sensibilités politiques, majorité, opposition et société civile confondues.

 

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