LE SYNDROME D'AUTISME

L’évidence s’affirme qu’au Mali d’aujourd’hui le syndrome d’autisme a gagné les cœurs à tel enseigne que des courroies étanches s’établissent entre le pouvoir et ceux qui réclament à tue-tête l’éviction de son détenteur.

Pour rappel, l’autisme se définit, selon le dictionnaire français Larousse, comme « Trouble du développement neurologique caractérisé par une altération des interactions sociales (repli pathologique sur soi), de la communication (langage) et du comportement.

Au figuré, par exagération. Déni de réalité qui pousse à s’isoler et à refuser de communiquer, et, particulièrement, d’écouter autrui. ».

L’adéquation de cette définition, en sa deuxième branche, surtout, à la réalité de la politique malienne en vigueur, est irréfragable.

Le pouvoir de Bamako, sans avoir la prétention de ruminer toutes les humeurs qu’il a montrées face à la radicalisation des mécontentements, partis de plusieurs facteurs liés à la mauvaise gestion des ressources, consécutivement aux demandes sociales des Magistrats et du monde de la santé, en réponse desquelles, au lieu d’y apporter des solutions efficaces et rapides, Soumeylou  Boubèye Maïga a trouvé l’outrecuidance de tenter de procéder à des réquisitions afin de faire capoter les mouvements, avait, pour un départ, minimisé le degré d’enlisement du pays, à l’égard de toutes les sensibilités confondues.

C’est pourquoi, l’on ne prendra de gants pour mettre dans la même assiette les réponses préconisées pour venir à bout des exigences du Mouvement  créé le 5 juin 2020, mouvement qui porte désormais le label de M5-RFP. Alors qu’ailleurs, l’on aurait couru dans tous les sens pour éteindre un semblable feu qui couve, les Hautes Autorités du Mali ont tout simplement mis des bouchons dans les oreilles, or il suffisait d’inviter à la table, à chaud, pour décortiquer la profondeur du mal avec les vis-à-vis. Qu’est-ce qu’il fallait ? Accepter de s’attabler avec le M5-RFP et ouvrir grandement toutes les oreilles pour l’écoute, et  plus tôt était le mieux. Ce faisant, le Président aurait pu prendre immédiatement la décision- c’est loin d’une faiblesse dès lors que pour le Mali rien n’est de trop- de choisir en concert un Premier Ministre dit consensuel, de dissoudre l’Assemblée Nationale et de fermer les yeux pour dissoudre la Cour Constitutionnelle en vertu de l’article 50 de la Constitution, et ceci serait compris par bon nombre de Maliens, puisque cette Cour était devenue problématique, par la faute de sa Présidente qui s’est permise d’émettre des avis dont certains étaient contradictoires et même dans des cas où cet avis n’avait pas été sollicité, et paralysait les institutions, serait-ce en termes de crédibilité. C’est vrai que les membres de la Cour sont nommés par décret présidentiel, sur proposition du Président de la République, du Conseil Supérieur de la Magistrature et du Président de l’Assemblée Nationale, pour un mandat de sept ans renouvelable une seule fois, mais en cas de prévarication, de faute lourde avérée, rien ne s’oppose à ce qu’ils soient démis. Ici, il leur est reproché d’avoir falsifié les résultats des votes aux législatives. Une enquête sérieuse et minutieuse, si elle était ordonnée, pouvait permettre d’établir ou non la véracité, tout ce temps que l’on crie aux fraudes. Dans ce cas, même une faute de délicatesse, de dignité, avait la possibilité de donner lieu à un limogeage.

A présent, ces solutions sont d’actualité, c’est-à-dire, pour le pouvoir, d’accepter la concertation pour le choix d’un Premier Ministre de consensus, tel que l’avait demandé le Chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, lors de l’accord politique qui a vu l’entrée au Gouvernement de Tiéblé Dramé et de Oumar Hamadoun Dicko,  de dissoudre l’Assemble Nationale, en vertu de l’article 42 de la Constitution, à défaut d’obtenir la démission des Députés supposés nommés par la Cour Constitutionnelle et non élus, dès lors où cette Cour a subi la rigueur de l’abrogation du décret qui les nomme. Cela ne coûtera absolument rien par rapport au dérapage de la contestation qui ne s’affaiblit pas.

Le mouvement de contestation, en l’occurrence le M5-RFP, porte désormais deux ailes : celle de l’Imam Mahmoud Dicko dont le leadership mobilise et oblige la CMAS et celle des autres composantes du M5-RFP, parmi lesquelles se dégage une tendance dure qui n’entend que la démission du Président de la République, et ce, malgré le niet de la CEDEAO. Celle-ci s’est servie du charisme de l’Imam Dicko et fait caution quant à sa force de mobilisation des troupes sans ce dernier. Voyons voir ! Le bon sens fait penser qu’elle pourrait baisser garde si le Président accède, sans fausse modestie, aux solutions citées plus haut. Elle en a d’ailleurs intérêt si elle est appelée à faire front au Président, soutenu par l’Imam Dicko et son staff, la majorité et la Communauté Internationale dont la CEDEAO. Il ne servira à rien de mettre le pays à feu et à sang lorsque des solutions idoines allant dans le sens d’enrayer la mauvaise gouvernance sont trouvées, notamment en accédant à l’essentiel de leurs revendications.

Aussi, le pouvoir doit s’évertuer à soigner le reproche d’autisme dont il fait l’objet à chaque fois qu’il est tenu d’apporter une solution à un problème. C’est le défaut de notre Président, celui de se murer et laisser pourrir des situations mêmes celles dont  il a la solution à portée de mains. C’est pourquoi, nous disons que les Maliens l’aiment, mais il ne s’aime pas lui-même. Il doit et peut faire face à quelque problème qui naît même lorsque la famille est impliquée. C’est pour cette honnêteté et rigueur qu’il portait il n’y a pas très longtemps que les maliens dans leur majorité lui ont fait confiance et porté à la tête du pays. Il verra, s’il reprend la main, les Maliens sont capables de braver la mort, la faim et la soif pour que sa volonté passe. Il doit éviter de s’acoquiner avec ceux qui œuvrent à mettre à mal son pouvoir, même s’il s’agit d’un membre de sa famille. Ne dit-on pas qu’une flèche qui ne t’épargne pas, il faut lui ouvrir une bonne fois la poitrine ?

Je reviens pour affirmer que les mécontents qui grossissent le lot de la contestation proviennent de ceux qui subissent les affres de l’insécurité, de l’impunité, de la misère des conditions de vie telle que dans l’enseignement, dans la Magistrature et une partie de l’armée, dernièrement des victimes du mauvais contrôle des élections et, enfin, ceux qui reprochent au pouvoir- ces derniers ne pèsent pas lourd pour les Maliens s’il n’y avait pas eu les premiers- de les avoir écarter des centres de décisions, tel que Choguel Kokala Maïga, Cheick Oumar Sissoko et autres. Nous nous connaissons entre nous au Mali, parmi ceux-ci, certains n’ont même pas eu 1% aux élections mêmes crédibles.

Un peu d’humilité pouvait suffire pour ramener les Maliens au calme et nous éviter des bras de fer qui n’honorent pas et tirent le Mali vers le bas.

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