En prélude à la journée mondiale de lutte contre la corruption, le Président de l’OCLEI a réuni toute lacrème de la presse malienne pour lui demander son implication plus marquée, alors que lui-même a, on ne s’en cache pas, toutes les peines pour donner de la voix comme il faut.
L’idée de la création de l’OCLEI naissant avec le pouvoir d’Amadou Toumani Touré, a fleuri sous le régime d’Ibrahim Boubacar Keïta. Elle nourrissait en entier les ambitions clairement définies de lutter efficacement contre la corruption et la délinquance financière qui tenaient méchamment les couilles de l’économie malienne qui ne parvenait pas à décoller dans ces conditions. Une poignée de personnes en en faisait ce qu’elle voulait. La majorité de la population était employée au service de celle-ci.
Mais force est de reconnaître que depuis sa création, l’OCLEI a engendré peu de résultats flatteurs comme l’on s’ingénie à vouloir le faire croire. La prépondérance d’une structure étatique comme celle-ci créée en grandes pompes se jauge par rapport au plus qu’elle apporte dans la lutte contre le fléau de corruption et de délinquance financière qui demeure la raison de son existence.
Le Président de l’OCLEI, à chacune de ses sorties, se contente d’aligner des chiffres des pertes de recettes de l’Etat causées par des malversations, mais en échange ne propose pas de solutions adéquates pour y mettre fin. Donc, il est tant qu’il sorte de la léthargie en se donnant les moyens de sa lutte.
D’abord, il lui faut un service de renseignements assez important pour pouvoir sillonner le pays afin de confronter les déclarations de biens et la réalité du terrain. Encore que même cela n’est pas gagné d’avance, le Malien généralement demeurant hostile à la dénonciation du prochain et pense que c’est l’Etat même, par lui-même, qui doit parvenir à dénicher les malfaiteurs. Dans ce cas, pour la réussite de sa mission, tous les services susceptibles de détenir des renseignements sur les biens des assujettis doivent lui assurer de leur collaboration franche. Sinon le système lié à la déclaration de biens seulement ne pourra donner que des résultats mitigés, d’autant que la plupart des assujettis déclareront ce qui leur plaît de déclarer. Les astuces ne manquent pas pour dissimuler une bonne partie des avoirs. C’est comme ce jeune qui a posé la question lors d’une rencontre avec les membres de l’OCLEI : « est-ce que vous voulez qu’on vous fournisse le couteau dont vous allez vous servir pour nous égorger ? » Dixit.
Par ailleurs, se posent les difficultés de suivi des flux monétaires, notamment dans l’informel. Ainsi, certains peuvent parvenir à investir par l’entremise de prête-nom dans l’économie à l’abri de tout radar. Peut-on, au Mali aujourd’hui, se flatter de détenir toutes les sources de biens dans l’économie ? D’autres, possèdent des coffres-forts dans leurs domaines où ils peuvent garder des sommes importantes. En possession d’une seule maison, ceux-ci vivent mieux, à l’abri des regards, que ceux qui montrent ostensiblement leurs richesses. Et ces sommes échappant à tous contrôles ne sont jamais déclarées. Qui ignorent au Mali que beaucoup de fonctionnaires sont en même temps commerçants ? Bien de compagnies de transport et autres proviennent de leur patrimoine caché. Il y en a qui trouvent des complices à l’extérieur du pays avec lesquels ils montent des sociétés écrans dans l’anonymat total. C’est dire qu’il est impossible d’avoir un gendarme derrière tout Malien, et donc, les données fiables sont rares en la matière.
C’est ce qui fait que, à part quelques dossiers qui ont crevé l’écran un moment, les Maliens restent sur leur faim car ont l’impression que les produits issus de diverses malversations continuent de faire leur petit bonhomme de chemins, sans inquiétude apparente.
D’où, l’OCLEI doit impérativement s’assurer de la collaboration avec la Justice. Dire de gros mots à la télé, alors qu’il n’existe aucun effet judiciaire palpable, c’est comme pédaler à côté du vélo. Cela va de l’effet dissuasif recherché lorsque les faits reprochés aux délinquants sont couronnés par des condamnations de justice qui, seule, détient le pouvoir d’établir de façon définitive les culpabilités.
Ceux qui n’appréhendent pas bien les missions de la structure, pensent que celles-ci sont discriminatoires telles que celles du Vérificateur général, et que, d’ailleurs, elle est de trop, dans le contexte malien.
En effet, à ce jour, le Mali regorge suffisamment de structures de contrôles : la Cour des Comptes, la CASCA, le Contrôle Général des Services Publics, le Bureau du Vérificateur Général, la CENTIF Mali, l’OCLEI, sans compter les services de contrôle interne à chaque service. Mais, malheureusement, cette panoplie de services de contrôle, en plus de provoquer des chevauchements, n’a pas permis de lutter contre la mauvaise gouvernance.
Et ce n’est pas la presse aux abois, par manque de moyens d’investigation, qui peut apporter la solution, encore que ces révélations avérées soient suivies de succès et non de menaces. En effet, les investigations au Mali comme par ailleurs ont un coût, dans un pays où les organes de presse ont toutes les peines du monde pour exister, où la plupart sont plus « titrologues que lecteurs » selon l’Avocat Konaré, et lisent par affinités que par pertinence des informations.
Le Président de l’OCLEI, s’il souhaite l’épaulement sans faille de la presse en vue de l’aider dans ses missions, devrait lui proposer aussi un appui financier conséquent, puisqu’on ne peut pas se nourrir de l’air.
Dans les pays où la place de la presse à une valeur démocratique au même titre que les autres institutions, elle constitue un rempart aux dérives et permet d’assurer la transparence des actions des pouvoirs. Elle ne peut être l’ennemie du pouvoir, par conséquent, du pays, si chacun à son niveau joue pleinement son rôle, sans que l’on lui demande de torpiller la vérité, ou de se substituer au pouvoir qui peine de donner des résultats probants.