L’économie des faits qui ont conduit au procès envolé d’Amadou Aya Sanogo et consorts s’impose, tant ils ont été décryptés, développés et commentés, par des opinions de toutes sortes dont celles de la presse, pour se focaliser sur leur dénouement qui prête à affirmer qu’ils ont accouché d’une souris. Qui l’aurait cru il y a quelques années ? Cette souris se chante à la loi d’entente nationale, cette loi scélérate n°2019-042 du 24 juillet 2019.
Cette loi appliquée au cas suscité a pris de court plus d’un qui l’avait vu venir en couronnement seulement des accords pour la paix et non à autre cause. C’est ce que donnaient à priori sa lecture et les raisons qui l’avaient commandée, voire commanditée. Le respectueux professeur de droit, Fomba, s’est longuement épanché dessus pour fustiger et dénoncer son application au cas Sanogo et consorts. A la limite, il trouve là une hérésie de droit.
La presse, comme l’on le constate, a marché ou marche sur des oeufs pour prévenir le courroux de bien de gens détenteurs du pouvoir de sévir, ou pour préserver des intérêts propres. La matière, on ne peut le nier, commande la prudence. En effet, il n’est pas aisé pour un novice de pouvoir sonder les subtilités du droit et de son application par les tribunaux.
Qu’est-ce que dit cette loi d’entente nationale qui a donné droit à l’extinction des poursuites contre Amadou Aya Sanogo et consorts ?
“Article ier: L’accord pour la paix et la réconciliation , issu du processus d’Alger, signé à Bamako les 15 mai et 20 juin 2015 entre le Gouvernement du Mali et les Mouvements signataires , est le fondement et le cadre de cette loi”.
Déjà, la loi campe son fondement et son cadre de façon précise, excluant du coup toute notion de coup d’Etat.
Ainsi, il est facile de comprendre les visées de cette loi dont les seuls objectifs demeurent de trouver les voies et moyens d’exonérer les crimes les plus atroces commis par des bandes armées sous le label fallacieux de mouvements armés signataires. On en tombe des nues quand on sait par ailleurs que ces sortes de mouvements ont été écrasés dans l’oeuf par ceux-là mêmes qui mettent des noeuds à leur cravate pour faire admettre forcément que les accords critiques d’Alger sont la seule planche de salut, malgré leur refus par la majorité des Maliens. Donc, les commanditaires des atrocités commises au nord, et plus, dans l’ensemble du Mali, “glosent” d’avoir réussi à faire avaler des couleuvres qui peinent à être ingurgitées.
Nous en venons aux articles 2 et 3 de cette fameuse loi:
Article 2: Visant à concrétiser la politique de la restauration de la paix et de la réconciliation nationale, socle de la stabilité et du développement de la Nation, la présente loi a pour objet :
– l’exonération des poursuites pénales engagées ou envisagées contre les personnes ayant commis ou ayant été complices des faits visés à l’article 3 ci-dessous;
– l’adoption de mesures de reconnaissance et de réparation en faveur des victimes des douloureux événements survenus dans le contexte visé à l’article 3 ci-dessous ;
– l’adoption d’un programme de réinsertion des personnes qui ont été des victimes collatérales dans les événements visés à l’article 3 ci-dessous.
Article 3: Les dispositions de la présente loi s’appliquent aux faits pouvant être qualifiés de crimes ou délits, prévus et punis par le code pénal malien , les lois pénales spéciales et les conventions et textes internationaux ratifiés par le Mali en matière de protection et de promotion des Droits de l’Homme, survenus dans le cadre des événements liés à la crise née en 2012 et qui ont gravement porté atteinte à l’unité nationale, à l’intégrité territoriale et à la cohésion sociale”.
En combinant ces articles, la loi, elle-même, s’exprime en déterminant son fondement et son cadre. Elle ignore, volontairement, la référence à un putsch ou son contre , encore moins à ses conséquences, si ce n’est par extrapolation. En tout cas, comme cela se doit en la matière d’application stricte, elle ne le précise pas clairement.
De sorte, on comprendrait mieux l’article 4 de cette loi:
“Sont exclus du champ d’application de la présente loi, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les viols, les conventions internationales et africaines relatives aux Droits de l’Homme et au Droit International Humanitaire et tout autre crime réputé imprescriptible”.
Cet article, non seulement, exclut l’application de cette loi aux crimes commis par les putschistes de 2012, mais anéantit tous ses effets qui violent à l’oeil nu toutes les conventions internationales et africaines sur les Droits de l’Homme.
Toutes les conventions internationales et africaines, ratifiées par le Mali, n’admettent de dédouaner les crimes comme ceux attribués à Sanogo et consorts, notamment, ils n’ont pas été commis lors de l’affrontement de deux armées, mais par enlèvement, séquestration et exécution sommaire, sur des hommes désarmés.
Ainsi, la pensée que cette loi ne vise pas le cas que l’on veut étouffer se confirme au regard du chapitre II: L’EXONERATION DES POURSUITES, et à la SECTION II:DE L’EXTINCTION DE L’ACTION PUBLIQUE, qui ne parlent que de membre d’un des groupes signataires ou armés. Encore une fois, l’on n’y fait pas mention des crimes de putsch et de contre putsch intervenus lors du coup d’Etat de 2012 et de leur extinction par quelles que dispositions que ce soit.
De tout ce qui précède, il est clair qu’Amadou Sanogo et consorts n’étaient pas concernés par cette présente loi d’entente nationale. Par l’équité, la justice universelle, par la conscience humaine, de tels crimes abominables ne doivent pas passer en perte et profit. 21 bérets rouges assassinés dans une fosse commune à Diago.
Malheureusement, c’est cette voie de déni de justice qu’ont choisi les victimes, qui ont visiblement préféré l’argent à la vérité de l’horreur. En effet, l’offre du Gouvernement pour leur faire renoncer à un jugement équitable et receleur de beaucoup de secrets était alléchante. Amadou Aya l’avait fait entendre un moment:” Si ce jugement a lieu je livrerais tous les secrets en ma possession”. C’était une menace à peine voilée. Cependant, ce jugement, s’il avait pu se tenir, pouvait donner l’occasion à certains accusés de se disculper parce que n’ayant commis les faits que l’on leur reproche pendant les événements liés au coup d’Etat de 2012, que l’on veut, au forceps, faire viser par la loi dont question.
On retiendra, au demeurant, qu’une fois encore, on refuse au peuple souverain du Mali de connaître les raisons des crimes commis sur son sol. Comme beaucoup d’autres qui restent dans l’ombre,et qui risquent toujours de finir en queue de poisson..
Mais, à défaut de toutes autres considérations, l’on peut croire que les Juges, en décidant de suivre le parquet qui a requis de donner droit à la demande des Avocats de la défense ayant soulevé l’extinction des poursuites en application de la loi d’entente nationale, sont de bonne foi selon leur intime conviction.